Une peintre musulmane déchirée entre son choix d’être voilée et son besoin d’être femme pour se sentir exister. Voici le cœur du premier roman de la journaliste Maya el Hajj.
Femme voilée, femme forcément condamnée ?
« Et si je devais représenter par un mot la vie que je mène, je ne
trouverais pas mieux que Burkini, terme créé par une femme australienne
musulmane et qui concilie deux mots : Burqa et Bikini, pour désigner une tenue
de bain qu’elle a conçu pour elle et pour toute femme que le voile empêche
d’accompagner ses amies et sa famille à la plage.
J’ai tant de fois vu ce Burkini chez des amies voilées
qui vivent dans des pays dépourvus de piscines réservées aux femmes. Mais
jamais je n’ai pu m’imaginer dans une telle tenue. Soit le bikini dans des
piscines réservées aux femmes, soit pas de baignade. Car ce que j’aime dans la
natation c’est m’immerger dans l’eau et laisser les gouttes étinceler sur mon
corps. Je vis vraiment entre deux mondes, entre mes vêtements chastes et mes
idées libérées, entre un voile qui me couvre et des corps nus qui me fascinent,
entre la burqa et le bikini. »
Ces paroles sont celles d’une
artiste peintre musulmane. Il y a quelques années de cela, elle fit le choix de
porter le voile. Sa famille, ses amis et toutes les autres personnes qui la
fréquentaient en furent choqués. Comment une jeune femme, issue d’une culture
religieuse mais non pratiquante, insistant sur sa liberté en tant que femme et
qu’artiste, pouvait-elle décider de s’effacer ? Porter le voile ne signifiait
pas uniquement avoir un foulard autour de la tête. Ce geste, ce rituel, avait
une tout autre ampleur. Ampleur que la femme en question ne réalisera que trop
tard. En effet, suite à un rendez-vous avec son bien-aimé, elle se retrouva
confrontée à son premier grand amour. Quelle surprise d’être en face d’une
femme resplendissante, à la tête découverte et aux cheveux dansant au rythme du
vent ! Cet épisode suscitera une multitude de questions chez la jeune artiste.
Pourquoi son homme l’avait-elle choisie, elle, et pas une autre ? Si elle
retirait son voile, l’apprécierait-il plus ? Jouait-il un double jeu ?
Était-elle toujours une femme, même voilée ? Pourquoi avait-elle choisi de
porter ce foulard ?
Premier pas en solitaire
A travers son premier roman,
Maya el Hajj, journaliste littéraire pour le quotidien panarabe Al Hayat, interroge la conception de la
femme dans une société orientale. Loin de condamner ou, au contraire, d’inciter
au port du voile, elle soulève des questions souvent omises par ceux qui
croient connaître le sujet. Comme elle l’écrit si bien, « la beauté de la femme se résumerait-elle à des cheveux lâchés et des
courbes mises en relief ? »
Dans ce livre, l’approche est
différente. Les personnages ne portent pas de nom et les villes sont inconnues.
Le contexte dans lequel vit la protagoniste laisse supposer qu’elle habite dans
une société libre et ouverte, qui entretient tout de même des liens étroits
avec la foi islamique. Grâce à ce flou volontaire, il n’est pas nécessaire
d’être une femme, d’être musulman, d’être un pratiquant de quelconque religion
ou même d’avoir des connaissances concernant le monde arabe. Un tel flou ouvre
ces portes à tout le monde. De plus, le thème central n’est pas tant le port du
voile comme l’on pourrait le croire au premier abord, que le rôle et la place
de la femme.
Un sujet pour tous
En parcourant ces pages, le
lecteur aura sans doute l’impression de faire partie du personnage principal,
d’être dans ses pensées. Si le fait que le roman soit écrit à la première personne
du singulier tient un rôle à jouer, il ne faut pas oublier qu’il est divisé en
sept chapitres et que chacun d’entre eux représente un lieu ou une période clef
dans la vie du personnage principal.
Le roman ose poser les vraies
questions autour du port du voile. Il arrive toutefois que le lecteur se
détourne du sujet central de l’ouvrage. A force de pointer le mal-être d’une
femme partagée entre son choix de porter le voile et son envie d’être libre,
entre son rôle de femme et son rôle d’artiste, l’atmosphère qui règne dans
l’ouvrage en devient presque pesante. Le lecteur comprend aisément que le
personnage principal se retrouve dans une impasse. Il est confronté à de
nombreuses questions sur les choix qu’il a faits et ceux qui lui restent à
faire. Cependant, les pensées de cette jeune peintre se répètent tellement
qu’elles en deviennent rébarbatives.
Pour autant, ces zones de mou
sont compensées par une fin inattendue, autant pour le lecteur que pour le
personnage principal lui-même. Malgré ces quelques passages redondants, l’envie
de connaître l’avenir de cette femme et les conséquences de ses actes sont
largement plus grandes. C’est donc l’œil vif que nous suivrons Maya el Hajj,
qui a assurément trouvé une manière intéressante d’interroger des sujets
délicats, et de plus, les rendre accessibles à tous !
Cet article est également disponible dans l'édition 31 du journal d'opinion "Le Regard Libre", pour lequel j'ai eu l'immense plaisir d'écrire en septembre 2017.
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